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Yousef Harb Abu Eida : “Les médias ont déformé la réalité”

Écrit par le 28 mai 2025

Je m’appelle Yousef Harb Abu Eida et je vis dans la bande de Gaza. Je suis né dans le camp de réfugiés de Jabalia en 1994. J’ai aujourd’hui 31 ans. J’ai été témoin de toutes les guerres qu’Israël a menées contre Gaza depuis celles de 2005 et 2008, et au-delà.

English Bellow

J’ai terminé mes études de premier cycle à l’Université Al-Azhar de Gaza, où j’ai obtenu une licence de droit. J’ai effectué un stage de deux ans au Barreau et, en 2021, j’ai ouvert mon cabinet, travaillant de nuit dans un restaurant de shawarma pour subvenir aux besoins de ma famille et couvrir les frais de construction de ma nouvelle maison.

Au début de la guerre, nous avons été témoins de violences et de bombardements rapprochés dans les ruelles du camp. Ma famille a été soumise à des bombardements constants, tant sur les bâtiments que sur les vies. Durant les premiers mois de la guerre, nous avons perdu de nombreux proches lors d’une frappe aérienne ; nous aurions pu en perdre des centaines en un instant. La maison voisine a été bombardée ; Ce fut le moment le plus difficile de la guerre. J’avais du mal à imaginer que j’avais perdu tous les membres de ma famille. En m’approchant du lieu de l’explosion et en constatant la dévastation, j’ai été choqué par l’horreur de ce que j’ai vu. Cependant, je croyais que ma famille allait bien, même si mes frères et sœurs et leurs enfants étaient blessés et soignés.

Le pire moment a été le bombardement de mon immeuble et le corps calciné d’une femme qui a sauté dans mon appartement. Je pensais que c’était ma sœur cadette, Saja. Je ne savais pas comment l’annoncer à ma mère. Puis quelqu’un est venu me dire que ce n’était pas ma sœur, qu’elle était encore en vie.

Ma maison, mon bureau, mon restaurant : tout était détruit. Le camp de Jabalia n’est plus qu’un amas de décombres, comme toute la bande de Gaza. J’ai quitté la maison avec quelques affaires, pensant revenir bientôt. Je n’ai même pas pris mon passeport. Au lieu de cela, je n’ai jamais pu rentrer chez moi. J’ai tout perdu : photos, certificats, souvenirs… Tous les efforts que j’avais consentis dans ma vie se sont évaporés sous les bombardements. J’ai poussé le fauteuil roulant de ma sœur handicapée jusqu’à Rafah, où nous avons été déplacés. Nous sommes quatorze frères et sœurs. Mon frère Ibrahim est aveugle et souffre d’atrophie musculaire, ce qui lui a fait perdre sa mobilité à cause du phosphore blanc. Je suis resté à l’école avec ma mère jusqu’à ce que nous recevions un ordre d’évacuation ; nous avons donc pris la direction de la mer. Je suis retourné à l’école pour utiliser Internet, mais l’armée m’a encerclé. Je me suis caché pendant quatre jours et n’ai rien trouvé d’autre qu’une boîte de haricots. À mon retour, ma famille avait de nouveau été déplacée à Khan Younis. L’école de Rafah a ensuite été détruite. Nous avons ensuite été déplacés à Khan Younis, mais nous n’avions même pas de tente, et l’hiver avait déjà commencé.

Je tiens à dire quelque chose de très important. Au début, nous avions l’impression que le monde entier nous avait oubliés. Les médias ont déformé la réalité. J’ai trouvé un soutien moral important auprès d’une Italienne que j’ai rencontrée il y a des années grâce à un jeu vidéo, et elle s’est immédiatement intéressée à notre situation.

Au début, elle a envoyé des dons. Puis, elle a eu l’idée d’ouvrir une cagnotte. Nous avons réussi à collecter des dons, malgré de grandes difficultés, ce qui m’a permis d’acheter la tente, qui a coûté 1 000 dollars. Parfois, grâce à ces dons, nous avons pu acheter des médicaments pour ma mère et de la nourriture pour ma famille et leurs enfants orphelins.

Je tiens à préciser que la collecte de dons, surtout en ces mois où l’aide humanitaire est interdite, est cruciale pour nous. Elle fait la différence entre mourir de faim et survivre. C’est pourquoi je sollicite l’aide du monde entier pour moi, ma famille et les familles qui nous entourent, que nous apprécions, comme notre religion nous l’enseigne. Voici le lien : 

Ce fut une joie de constater l’inquiétude de tant de personnes en Europe et d’être témoin de l’humanité dont j’avais tant entendu parler et à laquelle j’avais presque cru jusqu’à ma rencontre avec Barbara, l’Italienne qui a toujours été aux côtés de ma famille, partageant notre deuil et notre joie.


My name is Yousef Harb Abu Eida, and I live in the Gaza Strip. I was born in the Jabalia refugee camp in Gaza in 1994. I am now 31 years old. I have witnessed all the wars Israel has waged on Gaza since the 2005 and 2008 wars and beyond.

I completed my undergraduate studies at Al-Azhar University in Gaza, earning a bachelor’s degree in law. I completed a two-year internship at the Bar Association, and in 2021, I opened my office, working nights at a shawarma restaurant to support my family and cover the construction costs of my new home.

At the beginning of the war, we witnessed a lot of violence and close-quarters shelling in the alleys of the camp. My family was subjected to constant bombardment of buildings and lives. In the first months of the war, we lost many relatives in an airstrike; we could lose hundreds of relatives in an instant. The house next to ours was bombed; that was the most difficult moment of the war. It was difficult to imagine that I had lost all of my family members. When I approached the site of the explosion and saw the devastation, I was shocked by the horror of what I saw. However, what I believed was that my family was fine, even though my siblings and their children were injured and receiving treatment.

The worst moment was when they bombed my building and the burned body of a woman jumped into my apartment. I thought it was my younger sister, Saja. I didn’t know how to tell my mother. Then someone came to tell me that she wasn’t my sister, that she was still alive.

My house, my office, my restaurant—everything was destroyed. Jabalia camp is now a pile of rubble, as is the entire Gaza Strip. I left the house with a few belongings, thinking I would return soon. I didn’t even take my passport. Instead, I was never able to return home. I lost everything: photos, certificates, memories… All the efforts I had made in my life evaporated under the bombing. I pushed my disabled sister’s wheelchair to Rafah, where we were displaced. We are fourteen brothers and sisters. My brother Ibrahim is blind and suffers from muscular atrophy, which has caused him to lose mobility due to white phosphorus. I stayed at school with my mother until we received an evacuation order, so we headed toward the sea. I returned to school to use the internet, but the army surrounded me. I hid for four days and found nothing but a can of beans. When I returned, my family had been displaced again to Khan Younis. The Rafah school was later destroyed. We were then displaced to Khan Younis, but we didn’t even have a tent, and winter had already begun.

There is something very important I want to say. At first, we felt like the whole world had forgotten us. The media distorted the reality. I found important moral support in an Italian woman I met years ago through a video game, and she immediately took an interest in our situation.

At first, I sent donations, then I thought of creating a GoFundMe campaign for us. Somehow, we collected some donations, albeit with great difficulty, which allowed me to purchase the tent, which cost $1,000. Sometimes, thanks to these donations, we were able to buy medicine for my mother and food for my family and their orphaned children.

I would like to make it clear that collecting donations, especially during these months when humanitarian aid is banned, is crucial for us. It makes the difference between death by starvation and survival. With the war, prices have skyrocketed as food has become almost impossible to find. For example, a bag of flour has reached $700. Therefore, I am asking for help from the entire world to help me, my family, and the families around us, whom we are kind to, as our religion teaches us.

It was a joy to see the concern of so many people in Europe, and to witness the humanity I had heard so much about and almost believed until I met Barbara, the Italian woman who was always by my family’s side, grieving for us and rejoicing for us.

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